
Religare : tisser des liens dans un monde qui se défait
Dans un monde de plus en plus connecté mais paradoxalement fragmenté, le besoin de liens profonds et authentiques n’a jamais été aussi pressant. Derrière les écrans, les réseaux et les algorithmes, une soif silencieuse se fait entendre : celle de se sentir relié – aux autres, à la nature, au sacré, à soi-même. Le mot latin religare, qui signifie “relier”, ouvre une voie précieuse pour repenser notre rapport au monde. À travers certaines traditions anciennes comme le TAO, l’Alchimie, le Shintoïsme ou le chamanisme, se dessine un chemin oublié, où l’essentiel n’est ni à posséder ni à conquérir, mais à cultiver : le lien.
Définition du mot latin Religare
Religare est un mot latin qui signifie « relier » ou « attacher ensemble ». Il est composé du préfixe re- (à nouveau, en arrière) et du verbe ligare (lier, attacher).
Ce terme est souvent évoqué comme l’origine possible du mot religion, suggérant que la religion aurait pour fonction première de reconnecter l’être humain à ce qui le dépasse : le divin, le cosmos, la nature ou les autres.

Des traditions qui relient l’homme à l’univers
Depuis des millénaires, les civilisations ont développé des systèmes de pensée pour reconnecter l’humain au monde qui l’entoure. Ces traditions sont autant de ponts entre les hommes et les forces naturelles, spirituelles ou symboliques.
Parmi elles, le TAO, enraciné dans la Chine antique, enseigne l’harmonie avec le flux de la vie. Il invite à l’équilibre, à la fluidité, à un mouvement perpétuel où l’individu se fond dans le tout. Le TAO ne dicte pas une voie unique, mais propose de suivre le rythme naturel du monde, de se laisser guider par l’ordre du cosmos.
Autre tradition de lien, l’Alchimie, souvent mal comprise, ne se résume pas à la transformation des métaux. Elle symbolise un chemin intérieur de transformation de l’être. À travers ses symboles, ses opérations, ses métaphores, elle relie le matériel au spirituel, l’intime au cosmique.
Religare : le Shintoïsme et les esprits de la nature
Au Japon, le Shintoïsme incarne un autre aspect de religare. Cette spiritualité, sans dogme ni fondateur, repose sur la vénération des kami, les esprits présents dans la nature, les lieux, les ancêtres. Le Shinto lie l’individu à son environnement immédiat, à la mémoire de son peuple, et à la beauté de ce qui l’entoure.
C’est une approche de la vie empreinte de gratitude, de respect et de rituel. Par les gestes simples du quotidien, l’homme shinto renforce ses liens avec l’invisible et rappelle que tout est interconnecté.
Le chamanisme : entre mondes visibles et invisibles
Dans de nombreuses cultures ancestrales, le chamanisme occupe une place centrale. Il constitue l’un des plus anciens systèmes de lien entre l’humain et le sacré. Le chaman est celui qui traverse les mondes, qui rétablit l’harmonie entre les vivants, les morts, les esprits et la nature.
Par le chant, la transe, les symboles, le chaman restaure les connexions là où elles sont rompues. Il agit comme un passeur entre dimensions, révélant que la réalité ne se limite pas au visible.
Religare : ce qui reste, ce sont les liens
Dans un monde en perpétuel mouvement, où les biens matériels s’usent, se perdent ou tombent dans l’oubli à mesure que les modes et les technologies évoluent, ce qui demeure véritablement, ce sont les liens que nous tissons. Les objets passent, les positions sociales changent, les lieux se transforment, mais les relations humaines, les transmissions symboliques et les expériences vécues à travers les liens sont celles qui laissent une trace durable. Les traditions évoquées dans cet article – qu’elles soient orientales, comme le TAO, ésotériques, comme l’Alchimie, ou autochtones, comme le chamanisme – ont toutes pour fondement cette quête de reconnexion.
À l’heure où nos repères s’effritent, où les possessions se dévaluent plus vite que les émotions, il est urgent de réapprendre à relier. Les grandes traditions évoquées ici nous rappellent que le sacré réside dans l’invisible, dans l’attention, dans le rituel. Que ce soit par le silence du TAO, la quête intérieure de l’Alchimie, le respect du Shinto ou les chants du chaman, chaque voie nous invite à tisser – ou retisser – les fils de notre humanité. Car au fond, tout passe. Seuls les liens demeurent.